ARTÍCULOS

La contingence et la science. À propos de la réception des Seconds Analytiques au XIIIe siècle

La contingencia y la ciencia. A propósito de la recepción de los Analíticos Posteriores en el siglo XIII

The Contingency and the Science. Regarding the Posterior Analytics’ reception in the Thirteenth Century

 

José Antonio Valdivia Fuenzalida

José Antonio Valdivia Fuenzalida es Doctor en Filosofía y profesor docente asistente de la Universidad Adolfo Ibáñez, Facultad de Artes Liberales, Chile. E-mail: jvaldivia@uai.cl

Recibido: 30 de abril de 2017.
Aceptado para publicación: 6 de julio de 2017.


Résumé

Lorsque les Seconds Analytiques ont été intégrés dans l’enseignement des philosophes du XIIIe, la notion de science (scientia) comme connaissance universelle et nécessaire obtenue par le biais d’un syllogisme démonstratif devient prépondérante. Cependant, il y a plusieurs acceptions de ce terme dans plusieurs textes de cette période. Naturellement, cette situation particulière soulève le problème de trouver un sens général du mot «scientia» qui permette d’unifier ladite multiplicité d’acceptions. Dans cet article, je vais défendre l’hypothèse qui suit : pendant le XIIIe siècle, et tout particulièrement dans le cadre de la réception académique des Seconds Analytiques, le mot «scientia» révèle un sens large qui est le point de départ des analyses sur la notion de démonstration. D’après cette acception, la science se rapporterait à toute connaissance vraie et certaine. En conséquence, la notion de science entendue comme connaissance démonstrative, nécessaire et universelle ne devrait pas être séparée de ladite acception plus large.

Mots clés : science; savoir; certitude; vérité; Seconds Analytiques; XIIIe siècle.

Resumen

Cuando los Analíticos Posteriores fueron integrados en la enseñanza universitaria del siglo XIII, la noción de ciencia (scientia) como conocimiento universal y necesario obtenido por medio de un silogismo demostrativo se vuelve predominante. Sin embargo, hay distintas acepciones de este término en varios textos del período en cuestión. Como es natural, esta situación particular plantea el problema de encontrar un sentido general del término «scientia» que sirva para unificar esta multiplicidad de acepciones. En este artículo, defenderé la siguiente hipótesis: durante el siglo XIII, y en particular en el contexto de la recepción académica de los Analíticos Posteriores, la palabra «scientia» presenta un sentido amplio que es el punto de partida de los análisis acerca de la noción de demostración. Según este sentido, la ciencia se referiría a todo conocimiento verdadero y cierto. En conformidad con esto, la noción de ciencia entendida como conocimiento demostrativo, universal y necesario no debe ser separada de dicho sentido amplio.

Palabras claves: ciencia; saber; certeza; verdad; Analíticos Posteriores; siglo XIII.

Abstract

When Posterior Analytics were incorporated into the teachings of the thirteenth century philosophers, the notion of science (scientia) as universal and necessary knowledge obtained from a demonstrative syllogism became predominant. However, this word presented dissimilar meanings in several texts written in this period. As it is natural, this particular situation raises the problem of finding a universal meaning of the word “scientia” that could help to unify this multiplicity of meanings. In this article, Iwill defend the following hypothesis: during the thirteenth century, and in particular in the context of the Posterior Analytics’ academic reception, the word “scientia” presented a broader meaning that is the starting point of the discussion about the notion of demonstration. For this meaning, science would refer to all true and certain knowledge. Accordingly, the notion of science understood as demonstrative, universal, and necessary knowledge should not be separated from that broader meaning.

Keywords: Science; Knowledge; Certainty; Truth; Posterior Analytics; Thirteenth Century.


 

Sommaire:

1 . Introduction
2. Quatre acceptions du mot « scientia »
2.1. La vérité
2.2. La certitude
3. Le problème de la certitudo
3.1. Certitudo et nécessité
3.2. Double sens de la notion de certitudo
3.3. Quelques exemples
4. La présence d’un sens large est-elle théoriquement importante?
5. Conclusion

1. Introduction

Dans la présente étude, on s’occupera de la notion de scientia dans le contexte de la réflexion suscitée par les Seconds Analytiques au XIIIe siècle. Cette tâche est difficile. En effet, lorsqu’il est question de l’usage du mot «scientia» dans les textes du XIIIe et XIVe siècles, il faut commencer par consigner deux faits: d’une part, le terme «scientia» est équivoque et, d’autre part, il ne désigne pas exactement la même chose que le mot « science » selon sa signification actuelle.1 L’objectif précis de ce travail est de fixer la signification exacte et la portée théorique de l’une des acceptions possibles du mot «scientia», en l’occurrence, l’acception la plus simple et la plus générale, dans le contexte de la réception des Seconds Analytiques d’Aristote au XIIIe siècle. Cela ne signifie pas qu’on s’occupera uniquement des commentaires de cet ouvrage aristotélicien. En effet, nous allons tenter de mieux comprendre le champ conceptuel et les réflexions dont le point de départ est constitué par la réception des Seconds Analytiques à partir de l’étude de l’acception la plus large du mot «scientia» dans certains textes du XIIIe siècle, y compris les commentaires de ce livre.
En concret, je vais défendre trois thèses :
1. Il est possible de repérer dans plusieurs textes un sens très large du mot «scientia», quoique pas toujours de façon explicite.
2. Le contenu exact de cette signification large peut s’exprimer, de façon synthétique, ainsi: «toute proposition vraie et certaine».
3. Cette signification détermine le point de départ et, donc, la direction initiale de certains questionnements théoriques présents dans les commentaires des Seconds Analytiques concernant la notion de science entendue comme connaissance démonstrative.
Précisons le contenu des thèses qui seront défendues ici. Je vais soutenir que, malgré le fait indiscutable que le mot «scientia» possède une multiplicité d’acceptions, il existe un critère commun qui justifierait l’emploi de ce même mot pour exprimer des choses différentes. Ce critère commun est, comme il a été déjà signalé, l’idée que la scientia renvoie aux connaissances vraies et certaines. Or, traditionnellement les commentateurs reconnaissent deux acceptions philosophiquement significatives du mot «scientia» à l’intérieur des textes philosophiques du XIIIe et du XIVe siècle: un sens large et un sens strict. Le sens large correspond à toute connaissance des choses nécessaires ou des évènements réguliers. Le sens strict du mot «scientia» désigne, lui-aussi, toute connaissance de vérités nécessaires et universelles, mais en tant qu’elles se présentent comme la conclusion d’un syllogisme démonstratif. Personne ne doute qu’il y ait encore d’autres, mais les deux mentionnées semblent être les seules à manifester un véritable intérêt philosophique dans le cadre des idées des Seconds Analytiques d’Aristote.
Contre cette façon d’envisager la question, je voudrais établir que le critère mentionné plus haut et qui donne une unité analogique aux sens variés du mot scientia est susceptible d’être référé à un troisième type de connaissance, à savoir, celui qui correspond aux vérités ayant pour objet des évènements singuliers et contingents. Également, je voudrais montrer que le fait précédent est théoriquement très significatif pour les auteurs concernés. Cette idée est pourtant problématique en raison du fait que ce critère commun inclut la notion de «certitude» et que cette notion reçoit une signification assez particulière de la part de plusieurs auteurs du XIIIe siècle, notamment dans le contexte des idées des Seconds Analytiques. D’après cette façon de concevoir la certitude – notion qui sera étudiée plus tard – il est suggéré que nos connaissances sur des objets singuliers et contingents ne seraient jamais susceptibles d’être qualifiées de «certaines». Or, je vais essayer de montrer justement le contraire. Concernant les auteurs en question, j’argumenterai en faveur de l’hypothèse selon laquelle, d’une part, il existe la possibilité d’accorder la propriété de la certitude à des connaissances portant sur des réalités singulières et contingentes et, d’autre part, qu’il existe une notion très large de la scientia qui inclut ce type d’objets lorsqu’ils sont connus avec certitude.
Ce sens large du mot «scientia» était, par ailleurs, présent dans certains textes de saint Augustin, source privilégiée pour les auteurs qui seront examinés ici2. En effet, à côté du sens qui oppose la science, comme connaissance intellectuelle des choses temporelles, à la sagesse, en tant que connaissance intellectuelle des choses éternelles, certains textes d’Augustin révèlent que le mot «scientia» pouvait désigner n’importe quelle connaissance qui soit vraie et indubitable.3 Je soutiendrai justement que ce sens large du mot n’a pas seulement été gardé par les auteurs du XIIIe qui seront examinés, mais qu’il est présent dans les textes qui s’occupent de la science comme connaissance démonstrative de des choses universelles et nécessaires.
Ce travail sera divisé en trois parties principales. La première partie exposera une classification par degrés de la notion de scientia proposée par Grosseteste et adoptée par quelques-uns de ses successeurs où l’on retrouve clairement un sens large portant sur des objets singuliers et contingents. La deuxième partie offrira une solution au problème de la certitude, problème suscité par un usage technique du mot «certitudo» qui semble incompatible avec notre connaissance des objets mentionnés. La troisième partie s’interrogera sur l’importance théorique du sens large de la scientia dans les textes pour comprendre l’ensemble de la théorie de la science développée dans le cadre de la réception des Seconds Analytiques au XIIIe siècle.

2. Quatre acceptions du mot «scientia»

Dans le présent chapitre, nous allons examiner une classification proposée par Robert Grosseteste dans son commentaire des Seconds Analytiques concernant les différentes acceptions que le mot «scientia» peut assumer. Cette classification fut adoptée par Robert Kilwardby et Albert le Grand, mais abandonnée par Thomas d’Aquin. Pour cette raison, le cas de Thomas sera abordé plus tard. Or, ce que l’analyse des textes qui développent cette classification permettra de montrer ici est que le mot «scientia» possède effectivement, d’après les auteurs concernés, un sens large désignant «toute connaissance vraie et certaine de quelque chose». De plus, ce sens large fait abstraction de la question de savoir si l’objet de connaissance est un évènement contingent ou une réalité nécessaire. Il n’y a que deux exigences pour qu’une connaissance mérite le titre de scientia : vérité et certitude. Je consacrerai une section spéciale à chacune de ces exigences.

2.1. La vérité

Grosseteste est le premier commentateur du Moyen Âge latin des Seconds Analytiques.4 Dans le deuxième chapitre de son commentaire, en expliquant un passage où Aristote définit le savoir (scire) en tant que fin des syllogismes démonstratifs5, Grosseteste distingue quatre acceptions du mot «scientia» . Il justifie cette distinction par le fait que le mot «scientia»  aurait une signification « commune » (c'est-à-dire, large) ou «propre» selon degrés. Autrement dit, ce mot admettrait plusieurs sens plus ou moins stricts.
Avant de parler des définitions proposées à l’intérieur de cette classification par degrés, il convient de signaler qu’elle semble être relativement originelle. Étant donné que cette classification est adoptée par Kilwardby et par Albert le Grand, la constatation de l’originalité relative de Grosseteste s’avère très importante car elle nous permet d’établir son texte comme leur source directe. La compréhension de cette classification peut ainsi illuminer la compréhension des auteurs postérieurs qui l’adoptent, les conclusions à son égard pouvant élargir leur domaine de validité.
Or, cette originalité a été mise en question car la classification de Grosseteste semble avoir pour modèle un texte de Themistius.6 Cependant, en comparant la classification de Grosseteste avec le texte de Themistius, on reconnaît que ce dernier ne fait que distinguer deux sens du mot «scientia»  et pas quatre. De plus, si la première acception de scientia de Themistius est effectivement similaire à l’acception large de Grosseteste, la division du commentateur grec ne laisse aucune place aux différents degrés du sens propre7, singularité qui n’est pas dénuée d’importance, car c’est sur ce point spécifique que la division de Grosseteste révèle un intérêt majeur.
Passons-en maintenant à la classification en question. Voici la première partie du texte :

Mais il ne nous est pas caché que ‘savoir’ est dit au sens général, propre, plus propre et propre au degré maximum. En effet, la science au sens général est la saisie de la vérité (veritatis comprehensi), et de cette façon sont connues les choses contingentes de façon indéterminée (contingentia erratica) (…).8

Dans ce passage, la science est définie, de façon très large, comme «veritatis comprehensio», ce qu’on peut traduire comme «saisie de la vérité». Grosseteste ajoute que cela correspond à la connaissance des «contingentia erratica». Pour mieux comprendre cette première acception large du mot «science», il convient de préciser brièvement la nature des autres sens proposés par Grosseteste, qui sont tous jugés comme sens «propres». Ces sens propres désignent, de façon générale, toute vérité qui exprime quelque chose qui est toujours (semper) ou la plupart du temps (frequenter).9 L’adverbe semper suggère l’idée de quelque chose qui est nécessaire, c'est-à-dire de quelque chose qui ne peut pas ne pas avoir lieu. Ce dernier s’oppose à l’adverbe frequenter, qui signifie quelque chose qui a lieu souvent, quoique cela soit possible sur la base d’un fondement nécessaire. Entre le sens «propre» et le sens «propre au plus haut degré», le critère appliqué est le degré de nécessité de l’objet de connaissance auquel chacun de ces sens se réfèrent. On peut donc constater que le concept de «science au sens propre» désigne, de façon générale, toute connaissance ayant ces trois caractéristiques: vraie, universelle et nécessaire. Cela revient à dire que les trois niveaux du sens propre expriment toute connaissance portant sur ce que la réalité est en tant qu’intelligible.10 On a fait remarquer tout récemment que ces trois sens «propres» du mot scientia sont décrits de façon similaire dans un texte de Ptolémée où il est question de distinguer trois types de science spéculative11, ce qui semblerait porter atteinte à son originalité. Néanmoins, cela n’est pas exact car la division de Grosseteste est placée dans un contexte complètement différent de celui de Ptolémée. En effet, ce dernier a pour but de distinguer les trois types de science spéculative, tandis que l’évêque de Lincoln prétend rendre compte de la notion de «scientia» de façon exhaustive. Donc, quoique le texte de Ptolémée soit son point de départ, il paraît que l’initiative de diviser la «scientia» selon quatre degrés appartient à Grosseteste.
Le sens large de la notion de «science» peut être compris par contraste avec ce sens propre. À la différence de ce dernier, le sens large admet des connaissances portant sur des réalités singulières et contingentes. Cela se vérifie par le fait que Grosseteste souligne que ce sens large peut désigner les connaissances ayant pour objet les contingentia erratica, c'est-à-dire les  choses contingentes.12
La deuxième chose à souligner à propos de la définition de cette première acception est qu’elle inclut explicitement la vérité comme une propriété essentielle. En effet, Grosseteste définit la science au sens large comme «la saisie d’une vérité» (comprehensio veritatis). Attardons-nous sur ce deuxième élément – la vérité – et cherchons à mieux le comprendre afin de bien comprendre, à son tour, la portée exacte de la définition de scientia mentionnée auparavant. Dans son De veritate, ouvrage dont sa version finale est probablement de 123013, il propose une caractérisation générale dans le passage suivant:

Nous avons pourtant l’habitude par l’usage de dire la vérité à propos d’une phrase enonciative(orationis enuntiativae)]. Et cette vérité, comme le dit le Philosophe, n’est rien d’autre que l’être dans la chose signée (in re signata) tel qu’il est exprimé par le discours ( sermo). Et c’est pourquoi certains disent que la vérité est ‘l’adéquation du discours et la chose’ et ‘l’adéquation de la chose à l’intellect’.14 (Je souligne)

Dans ce passage, on peut constater deux idées qui nous intéressent. La première est que la vérité se dit des «phrases énonciatives» (orationis enuntiativae). Cela revient à dire que la vérité correspond aux propositions et, de ce fait, à ce que l’on appelle communément la deuxième opération de l’intellect. La deuxième est que la vérité est une «adéquation de la parole (sermonis) et la chose» ou «l’adéquation de la chose à l’intellect». Or, aussi bien ces deux définitions que le fait que la vérité corresponde aux propositions révèle que cette notion se situe, selon Grosseteste, au niveau de l’intellect, par opposition aux connaissances purement sensibles. Il faudrait ajouter qu’il fait bien davantage: le lieu propre de la vérité se situe, principalement, au niveau des propositions et pas au niveau des purs concepts universels. On vérifie donc avec netteté la conception aristotélicienne de la vérité, notamment celle que l’on peut retrouver dans le Peri hermeneias. Cela est d’autant plus clair que Grosseteste fait explicitement mention d’Aristote. Peu importe, donc, si la notion de vérité selon Grosseteste est, surtout dans le De veritate, étroitement liée à la théorie de l’illumination augustinienne, cela ne semble pas affecter son aristotélisme sur ce point.15
Cette conception aristotélicienne de la vérité permet d’inférer deux choses à propos de la définition large de la scientia selon Grosseteste : 1) elle est une connaissance qui implique un acte de l’intellect, 2) qui s’exprime par le biais de propositions ou jugements. Par conséquent, déjà dans son sens le plus large, le mot «scientia» désigne un type bien spécifique de connaissance, car par rapport à la notion plus générique de «connaissance», la scientia possède quelques caractéristiques qui limitent son champ d’application de sorte qu’elle exclut, d’une part, toute connaissance purement sensible, et d’autre part, toute connaissance intellectuelle de l’ordre des concepts simples.
Il est désormais possible d’apporter une première caractérisation précise de la notion large de la scientia proposée par Grosseteste: elle désigne toute connaissance vraie, exprimable par des propositions et ayant pour objet aussi bien les réalités nécessaires et universelles que les évènements contingents et singuliers. Il est ainsi possible de qualifier de «scientia» non seulement les connaissances qui nous permettent de saisir l’intelligibilité, mais aussi les connaissances vulgaires de notre vie quotidienne. La seule condition étant que ces connaissances soient vraies et exprimables par le biais de propositions.
Ces caractéristiques de la notion de scientia au sens large sont suivies par les auteurs qui adoptent la classification de Grosseteste. Kilwardby définit la scientia au sens large comme «comprehensio veritatis rei qualiscumque sit rei» où la vérité apparaît comme une propriété essentielle. Concernant l’objet, il dit «qualiscumque sit rei» en ajoutant après que cela peut inclure les contingentia erratica.16 Albert, à son tour, est clair sur cette deuxième caractéristique, mais moins par rapport à la vérité en la définissant comme «Comprehensio enim rei per ea quae potest quocumque modo concludi, largissime dicitur scientia : et sic etiam quae sunt contigentia ad utrumlibet, sciuntur».17 Dans ce passage, Albert se limite à signaler que la «scientia largissime» est une «comprehensio rei» (saisie de la chose). Il ne dit rien, dans cette définition, de la vérité. Il introduit, en revanche, l’idée de «vérité» dans les définitions des sens propres.

2.2. Certitude

On peut maintenant se poser la question suivante: qu’en est-il de la certitude? En effet, si l’on prend le sens large du terme «scientia» examiné jusqu’ici, il est facile d’identifier l’idée de «vérité», mais on ne voit pas très bien où se trouve l’idée de «certitude», que j’avais considérée aussi comme un élément commun et permanent dans l’emploi de ce mot. À vrai dire, cette question est assez complexe en raison de la signification technique du mot «certitudo» chez les auteurs concernés, mais je vais m’occuper de cette difficulté dans la prochaine section. Maintenant, il suffit d’avertir que, lorsque je déclare que toutes les acceptions de la notion de scientia incluent dans leur signification l’idée de «certitude», je prends ici ce mot dans le sens courant actuel: connaissance indubitable de quelque chose. Je laisse donc provisoirement de côté le sens technique du mot certitudo des textes que l’on retrouve dans les auteurs médiévaux. À propos de celui-ci, on verra après qu’il n’est pas incompatible avec ce sens courant, sens qui est présent dans les textes en question.
La difficulté qu’il faudrait donc résoudre pour le momento peut être exprimée en ces termes: ni Grosseteste, ni Albert le Grand, ni Kilwardby ne caractérisent la scientia au sens large comme étant une connaissance indubitable. Cette difficulté ne relève pas uniquement du fait que ces trois auteurs ne donnent pas d’indices explicites en faveur d’une telle lecture mais, en plus, parce qu’ils n’emploient pas le mot «certitudo» lorsqu’ils proposent la définition en question. Qu’est-ce qui nous autorise donc d’affirmer que la certitude est une caractéristique essentielle de la scientia au sens large?
Pour montrer que la certitude fait partie de la notion de «scientia» au sens large, il convient de commencer par attirer l’attention vers la structure de l’ensemble des passages où Grosseteste, Albert et Kilwardby exposent les différents sens du mot «science». Dans cet ensemble de textes, on peut constater presque toujours la même formule, c'est-à-dire, «comprehensio veritatis» pour désigner le type de connaissance désigné par chacun des quatre acceptions de «scientia». Chacune de ces acceptions, rappelons-nous, est définie selon le degré de nécessité de la connaissance dont il est question. Or il se trouve que ces quatre acceptions ne s’excluent pas les unes les autres en ce qui concerne les objets auxquels elles se réfèrent. Ce dont il s’agit dans cette classification est l’établissement des différents degrés de rigueur dans l’utilisation des mots «scire» et «scientia». Ainsi, le premier sens est plus général et moins rigoureux. La définition «commune» ou «large» de scientia est donc censé être applicable à n’importe quel objet, peu importe s’il est contingent ou nécessaire. Elle n’est pas une définition concernant uniquement les choses contingentes, mais plutôt une définition qui les inclut aussi par le fait d’être une définition très générale. Kilwardby est particulièrement clair là-dessus, car il déclare explicitement que la science au sens large se réfère à la connaissance vraie de n’importe quelle chose (qualisqumque sit res), y compris (etiam) les choses contingentes (contingentia ad utrumlibet).18 Or, dans la mesure où les mots «scientia» et «scire» sont utilisés, d’après ces auteurs, dans l’acception qui leur correspond de la manière la plus stricte, les connaissances qui ne remplissent pas les conditions que ces acceptions imposent sont progressivement exclues. Ainsi, puisque la spécification de la scientia au sens propre est l’exigence de la nécessité ou de la régularité de l’objet visé, les évènements contingents (contingentia erratica) se retrouvent, très tôt, exclus.
Pourquoi la structure de ces textes suggère que le sens large de la scientia implique la certitude ? Pour répondre à cette question, il faut constater que le critère qui divise les quatre sens du mot «scientia» devrait être, en principe, uniforme, car le premier sens, rappelons-nous, les inclut tous. Mais il ne saurait être uniforme s’il n’était pas applicable de la même manière à chacun des niveaux concernés. Or, si le seul critère était la vérité et non pas la certitude, il faudrait admettre que le critère cesse d’être applicable à partir de la deuxième acception. La raison est que, comme j’essaierai de montrer par la suite, la certitude est nécessairement associée aux trois acceptions qui correspondent au sens propre. En effet, si le seul critère était la vérité et il excluait la certitude entendue comme connaissance indubitable, il faudrait admettre que la science au sens propre peut inclure, selon ces auteurs, des vérités qui sont acquises accidentellement, parce que le fait que quelqu’un croit à une proposition qui est effectivement vraie n’implique pas que cette croyance soit correctement o suffisamment justifiée. Néanmoins, il est très improbable que Grosseteste, Kilwardby et Albert admettent une telle idée, car nous savons, pour des raisons externes au texte analysé, qu’ils croient que les vérités nécessaires désignées par le mot «science» au sens propre se limitent, fondamentalement, à deux types: les vérités évidentes et les vérités qui sont démontrées à partir d’autres vérités. Par définition, les vérités démontrées ne sauraient pas être acquises par des raisons fausses, car elles ne pourraient plus être qualifiées de «démontrées». Quant aux vérités évidentes, il faut dire qu’elles ne pourraient pas être appuyées sur des mauvaises raisons, car leur vérité est saisie immédiatement n’ayant même pas besoin d’être appuyée sur des raisons. Bref, nous savons que, parmi les sens stricts du mot «scientia», nul ne saurait inclure des vérités acquises accidentellement. Ces trois sens propres doivent, en principe, se référer à des vérités suffisamment justifiées, soit parce qu’elles sont démontrées, soit parce qu’elles sont évidentes. Mais l’idée d’une proposition dont la vérité est suffisamment justifiée n’est rien d’autre que l’idée d’une proposition dont on ne doute pas de la vérité. Donc, il faut admettre que la certitude est implicite dans les trois acceptions qui correspondent au sens propre. Ainsi, étant donné que le critère de division des quatre acceptions de la «scientia» doit être uniforme, le fait que les trois sens propres présupposent implicitement l’idée de certitude implique que cette certitude soit aussi présupposée par l’acception la plus générale et large.
On peut donc conclure que lorsque les auteurs en question définissent la scientia au sens large comme étant, tout simplement, une «saisie de la vérité» de quelque chose, ils prennent probablement le mot «vérité» dans un sens fort qui inclut la certitude entendue comme connaissance indubitable à propos d’un objet contingent ou nécessaire.

3. Le problème de la certitudo

3.1. Certitudo et nécessité

Les conclusions précédentes soulèvent une difficulté liée à la notion de certitude (certitudo) que les auteurs examinés ici développent dans leurs commentaires des Seconds Analytiques. À la différence d’Aristote, où la notion de certitude n’est pas très présente19, chez les commentateurs mentionnés l’on retrouve un lien formel et explicite entre celle-ci et la science entendue comme connaissance universelle, nécessaire et démonstrative.20 Autrement dit, d’après ces auteurs, une connaissance de ce genre ne mérite le titre de «science» que si elle possède de la certitudo.
Le fait précédent ne soulèverait aucune difficulté si la certitudo était une notion indépendante de la notion de connaissance universelle et nécessaire. Cependant, dans tous ces auteurs, il existe un rapport formel entre ces deux notions. D’après le sens courant actuel, une connaissance est certaine si elle est indubitable. La certitude, d’après notre sens courant, renvoie donc à une caractéristique de l’acte de connaissance et non pas au contenu de cet acte. Ainsi, pour nous, une connaissance est certaine lorsque nous avons les évidences suffisantes qui permettent de reconnaître sa vérité, peu importe si l’objet de cette connaissance est universel ou singulier, nécessaire ou contingent. En revanche, selon les textes médiévaux qui nous occupent, la certitude d’une proposition est définie non seulement en relation au sujet qui connaît, mais également en rapport à la nature de l’objet connu. Déjà chez Grosseteste, il est clair que la certitude ne peut caractériser une connaissance que lorsque son objet est universel et nécessaire c'est-à-dire lorsqu’«il ne peut pas ne pas être» (non possit aliter se habere).21 Il ne suffit donc pas de posséder une connaissance indubitable de quelque chose pour que l’on puisse affirmer que nous possédons de la certitudo à son égard, mais il faut également que l’objet de cette connaissance soit universel et nécessaire.22 Plus exactement, la signification technique de cette notion suggère qu’une connaissance ne peut pas posséder la propriété de la certitudo lorsqu’elle a des évènements contingents pour objets.23 Des propositions telles que «mon chien est en train de manger» exprimant des évènements de ce genre, ne sauraient donc pas être certaines. Par conséquent, le rapport entre science et certitude ne s’applique que dans les cas où il est question des objets universels et nécessaires.
Un exemple clair est le texte de Thomas d’Aquin de son commentaire des Seconds Analytiques où il s’occupe formellement de la notion de scientia.24 Dans ce texte, il définit directement le scire et la scientia par la certitude, tout en limitant la portée de celle-ci aux objets nécessaires.25 Toutes les caractéristiques de la scientia semblent exclure, par principe, les connaissances qui portent sur des objets contingents, d’autant plus qu’il ne fait aucune mention du sens large de cette scientia. Il admet plus tard un double sens du mot «scientia» qui correspond, d’une part, à la connaissance des principes évidents et, d’autre part, à la connaissance des conclusions obtenues par des syllogismes démonstratifs.26 Néanmoins, hormis ces deux types de connaissance qui portent sur des objets nécessaires, il n’admet pas d’autres acceptions de ce mot qui ouvriraient la possibilité d’envisager des connaissances qui ont pour objet des évènements contingents comme susceptibles de certitude.
Toutes ces considérations semblent suggérer que l’on doit rejeter la thèse défendue ici. En effet, j’ai proposé que, pour les auteurs en question, la scientia au sens large est une connaissance vraie e certaine portant sur des objets nécessaires ou contingents, universels ou singuliers. Cependant, lorsque ces mêmes auteurs parlent explicitement de certitude, ils estiment qu’elle n’existe que dans les cas où l’objet de la connaissance est universel et nécessaire. Naturellement, un tel positionnement ne peut pas nous laisser indifférents. Doit-on abandonner l’idée selon laquelle la certitude est un composant essentiel de l’idée de scientia au sens large? Faut-il plutôt admettre que les termes «certitude» et «certitudo» sont équivoques? Il faudra répondre ces questions si l’on veut établir que la certitude comme connaissance indubitable est compatible avec la connaissance des évènements contingents.

Double sens de la notion de certitudo

Un bon point de départ pour résoudre la difficulté précédente est de rappeler que le mot «certitudo»possède un double sens, l’un subjectif et l’autre objectif.27 Le sens objectif renvoie à l’idée de la nécessité et stabilité des choses et il est étroitement lié à la notion d’essence.28 La source d’un tel sens doit être recherchée dans les traductions latines d’Avicenne.29 Le sens qui nous intéresse ici est, bien entendu, le subjectif, mais il se trouve qu’il est étroitement lié au sens objectif. Tout en donnant suite à une doctrine que l’on peut retrouver clairement chez les philosophes arabes30, les philosophes latins du XIII établissaient un lien étroit entre la certitude et la nature de l’objet connu de sorte qu’ils croyaient que cette certitude était impossible si l’objet de la croyance n’avait pas quelque chose de permanent. Le manque de permanence rendrait, en fait, impossible une connaissance vraie et certaine car l’objet cesserait d’être tel qu’il est à chaque instant.
Néanmoins, il faut remarquer le fait que la certitudo est très souvent définie comme un état subjectif ou comme une disposition mentale, la nécessité de l’objet n’étant que sa condition de possibilité. Même plus, la certitudo au sens subjectif, qui est formellement une propriété de l’acte d’assentiment et pas de l’objet de cet acte, est fréquemment employée dans les contextes où il est question de la scientia, notamment dans les commentaires des Seconds Anaytiques. Par exemple, lorsque Grosseteste développe la thèse selon laquelle les sciences supposent des degrés de certitudo différents et que les mathématiques se prêtent mieux à l’obtention de celle-ci, il a sous les yeux la notion de certitudo dans son sens subjectif. Il dit que, dans certaines sciences il existe une certitudo maxima par opposition à une deceptio minima.31 Cette opposition ne peut pas être référée aux degrés de nécessité des choses, mais aux degrés de fermeté de notre assentiment à l’égard d’une proposition, car le mot deceptio fait référence à l’erreur.
Mais un cas plus clair de cet emploi subjectif du mot «certitudo» se trouve chez Thomas d’Aquin. En effet, ce dernier offre des définitions formelles de la certitudo comme «fermeté de l’adhésion» (firmitas adhaesionis), c'est-à-dire comme une adhésion ferme et résolue à la vérité d’une proposition par l’intellect. Par exemple, dans les Sentences, il dit : « (…) on appelle ‘certitude’ au sens propre (proprie dicitur) la fermeté de l’adhésion (firmitas adhaesionis) d’une puissance cognitive par rapport à ce qui est connaissable par elle (in suum cognoscibile)».32 Ce «proprie dicitur» est très significatif car il rend compte du fait que la notion en question manifeste quelque chose de principalement subjectif de la connaissance, c’est-à-dire de quelque chose qui appartient à la virtus cognitiva. Cela se voit confirmé dans la première objection, où Thomas affirme que l’espérance (spes) ne peut pas posséder de la certitude parce que celle-ci concerne la connaissance, alors que l’espérance concerne les affections (affectionem).33 La réponse à cette objection ne nie pas la vérité de la prémisse, se bornant à dire que la certitude peut être appliquée, par participation, à d’autres opérations de la nature.34
Concernant la firmitas adhaesionis ou firmitas inhaesionis35, que l’on peut traduire comme la fermeté de l’adhésion ou de l’assentiment à propos de la vérité d’une proposition, signalons qu’elle est définie par Thomas dans la Somme de théologie comme l’absence de la peur des opposés (formidine alterius).36 Cette absence de peur des opposés n’est rien d’autre que l’absence de doute à propos de la vérité d’une proposition et à propos de la fausseté d’une proposition contraire. Comme il indique, il s’agit d’une perfection de la connaissance qui est propre à la science (scientia)37, par opposition à l’opinion (opinio), laquelle n’est pas entièrement déterminée à l’égard des propositions contradictoires, et par opposition à la foi (fides), laquelle ne possède pas de «vision» (visio)38, c’est-à-dire qui ne possède pas les principes ou l’évidence suffisante permettant d’accorder son assentiment à une proposition.
On peut donc rejeter la thèse selon laquelle la notion courante actuelle de certitude est parfaitement équivoque par rapport à la notion de certitudo qui circulait dans les textes des auteurs qui nous intéressent.39 Il s’avère donc problématique que cette certitudo soit associée aux connaissances portant sur des objets nécessaires et universels. La question que nous devons répondre est donc : existe-t-il une façon légitime d’attribuer de la certitudo aux connaissances qui portent sur les choses singulières et contingentes ?
Pour répondre, un deuxième fait réclame notre attention. Si l’on suit une thèse développée par Aristote au Peri hermeneias40 et déjà très répandue au XIIIe siècle41, il est possible d’affirmer que les auteurs étudiés ici ne croyaient pas que les évènements contingents soient exempts de toute nécessité. Selon la thèse en question, il faut distinguer deux types de nécessité :42 1) la nécessité conditionnelle et 2) la nécessité absolue. Nous ne pouvons pas donner ici un développement approfondi de cette distinction, mais il suffit d’émettre quelques remarques utiles. La nécessité absolue correspond aux choses qui ne peuvent pas ne pas être. Par exemple, la propriété «avoir trois angles internes» ne peut pas ne pas appartenir au triangle car le fait d’être un triangle implique la possession de trois angles. La nécessité conditionnelle, en revanche, correspond aux choses qui peuvent ne pas être mais qui sont nécessairement lorsqu’elles sont. Ce type de nécessité se vérifie au niveau des évènements singuliers contingents. Par exemple, lorsque «Socrate est assis», le fait qu’il soit assis n’est évidemment pas nécessaire car il est possible qu’il ne soit pas assis. Néanmoins, lorsque Socrate est assis il est nécessaire qu’il soit assis au moment où il est assis. Comme on peut le noter, la nécessité conditionnelle n’est qu’une conséquence assez obvie du principe de non contradiction.43 Ce que nous devons pourtant retenir ici est l’idée suivante: le devenir absolu n’existe pas et tout évènement doit posséder un degré minimum de permanence ou de nécessité. Bref, lorsque les philosophes médiévaux posent la règle selon laquelle la certitudo ne porte que sur les choses nécessaires, celle-ci n’est pas, en rigueur, contredite de façon absolue lorsqu’elle est accordée aux connaissances portant sur des réalités contingentes. Certes, on ne peut pas nier que, à strictement parler, la véritable nécessité n’est que la nécessité absolue et, par conséquent, la véritable certitude n’est que celle qui porte sur les choses qui sont en possession de cette nécessité. Cependant, il y a un minimum de nécessité qui rend possible que toute proposition vraie possède un minimum de certitude. Il semble, par conséquent, que la certitudo en tant que disposition mentale admet, à son tour, deux sens: d’une part, un sens large, compatible avec les objets contingents dans la mesure où ils possèdent la nécessité conditionnelle; d’autre part, un sens strict qui, tout en étant employé de préférence lorsque l’on définit la scientia au sens strict, est uniquement applicable aux objets absolument nécessaires.44

3.2. Quelques exemples

Pour terminer cette l’analyse de la signification de la certitudo et sa relation avec la notion de scientia au sens large au XIIIe siècle, il n’est pas superflu d’examiner quelques textes du XIIIe qui semblent assumer ledit sens large de façon complète et formelle.
Commençons par Thomas d’Aquin qui, au moins deux fois dans ses œuvres, concède explicitement aux connaissances portant sur des objets sensibles la possibilité d’être acquises avec certitudo, tout en indiquant que c’est à cause de celle-ci qu’elles peuvent recevoir le titre de «scientia». Il s’agit d’un passage du livre III des Sentences45 et d’un passage du livre VI de son Commentaire à l’Éthique. Il suffira de nous attarder sur ce dernier où, lorsqu’il est en train d’expliquer les vertus intellectuelles spéculatives qui perfectionnent l’intellect au sujet des choses qui sont ex principiis et qu’il reconnaît justement comme les «sciences», il fait, en passant, une remarque sur la connaissance sensible. Cette remarque consiste à dire que parfois on qualifie les connaissances à propos des choses singulières de «scire» en raison de la certitude qu’elles peuvent susciter (certi sumus).46 Autrement dit, une connaissance peut être qualifiée de «scire», même si elle porte sur des objets sensibles, lorsqu’elle est certaine. Or, étant donné que les objets sensibles sont les réalités singulières et contingentes, la remarque de Thomas équivaut à une reconnaissance de la possibilité que des réalités contingentes soient l’objet de la certitudo, ce type de connaissance méritant donc le titre de scientia. Notons que la suite du texte s’occupe de la vertu de scientia depuis son objet propre, à savoir, les choses nécessaires, lesquelles définissent la notion de certitudo dans son sens propre. Ce constat, placé juste après la remarque commentée, donne un appui additionnel à l’idée que la notion de certitudo possède un sens propre et un sens large qui est corrélatif au sens propre et large de la notion de scientia. Bref, on ne peut pas nier que Thomas reconnaît que le concept de scientia possède une signification qui, tout en désignant le fait qu’une connaissance est vraie et certaine, peut s’appliquer à des objets singuliers et contingents.
Nous retrouvons un deuxième exemple dans un texte de Grosseteste. Il s’agit d’un passage du De Hexamaëron où l’évêque de Lincoln essaie d’expliquer ce que signifie et ce qui implique que l’objet de la sagesse (subiectum sapiencie) soit le Christ. Ce texte est d’autant plus utile que son objet se prête mieux à être appliqué directement à la définition large de la science car il parle justement de vérités se référant à des évènements contingents. Il commence par signaler que l’objet de la sagesse – le Christ – n’est ni per se notum, ni appris par science, mais qu’il est admis seulement par la foi et, donc, qu’il est «cru» (creditum).47 Il explique cette idée et conclut : «l’objet de la fois (credibilia) est plus propre de cette sagesse que l’objet du savoir (scibilia)».48 Ensuite, il signale que les credibilia sont de deux types : «(…) en effet, quelques-unes sont crédibles (credibilia) en raison de leur vraisemblance (propter ipsarum rerum verisimilitudinem), d’autres, en revanche, en raison du fait d’avoir été dites par une autorité (propter dicentis auctoritatem)».49 Littéralement, cela signifie qu’un contenu cognitif est qualifié de «crédible» soit par le fait de provenir d’une autorité, c’est-à-dire d’une autre personne, soit par le fait de s’appuyer de la vraisemblance des choses, c’est-à-dire de ce qui paraît être vrai ou de ce qui est probablement vrai. Si cette interprétation est correcte, on peut alors affirmer que, selon Grosseteste, le terme «credibilis» exprime, hormis les connaissances transmises par une autorité, l’idée de «croyances dont la vérité n’a pas été confirmée mais qui, pour des raisons variées, s’avère probable». Or, on voit bien que l’auteur oppose ce mot à ce qui est scibilis mais, dans ce contexte, une telle opposition n’aurait pas beaucoup de sens si scibilis renvoyait uniquement aux réalités nécessaires. En effet, toutes les connaissances dont il est question dans ce texte portent sur des évènements contingents. Par conséquent, il semble très plausible que le terme «scibilis» se réfère à toute chose en tant qu’elle est apte à susciter des propositions vraies avec certitude, peu importe si elle est contingente ou nécessaire. Les choses «scibilis» s’opposeraient ainsi aux choses «credibilis», définies par le fait d’exprimer ce qui ne peut pas susciter une croyance certaine, soit parce qu’elle a été transmise par autorité, soit parce qu’elle a pour seul fondement une vraisemblance. Un tel usage du terme «scibilis» suggère que le terme «scientia» se prête également au même type d’usage. Étant donné que, dans ce texte, le mot «scibilis» peut se référer aussi bien à des choses nécessaires qu’à des évènements contingents à condition qu’ils puissent être connus avec certitude, il semble parfaitement plausible que Grosseteste se permette d’employer, dans d’autres contextes, les termes «scire» et «scientia» pour désigner des connaissances dont l’objet peut être aussi bien contingent que nécessaire à condition que ces connaissances soient certaines.50
Un troisième cas très clair nous le retrouvons chez Henri de Gand, qui est encore plus explicite car, dans un article consacré à répondre à la question de la possibilité de «savoir (scire)» quelque chose, il définit formellement le «savoir au sens large» (scire large accepto) comme «toute connaissance certaine par laquelle la chose est connue telle qu’elle est, sans aucune erreur ni tromperie».51 Selon cette définition, la certitude est l’essentiel du savoir (scire), la perfection et la nécessité de la chose connue n’étant pas considérées.52 De plus, il est clair que la notion de certitude n’est pas employée ici dans un sens technique parce que, d’une part, Henri caractérise le scire comme une connaissance exempte «de toute erreur et tromperie» (absque omni fallacia et deceptione) et, d’autre part, la problématique même de l’article ne porte pas uniquement sur la connaissance intellectuelle des choses nécessaires, mais aussi sur la connaissance des choses sensibles.53 Signalons également que cet emploi très large du mot demeure le point de départ d’Henri car il termine, comme tout le monde, par restreindre le domaine propre du scire au niveau de l’intellect et du nécessaire.54 Bref, ces passages d’Henri sont singulièrement aptes à révéler la plasticité des mots latins «scire» et «scientia» au XIIIe siècle qui, sur la base de la notion très générale de «connaissance certaine», peuvent servir pour donner une direction initiale à des questionnements théoriques dont la solution est, en principe, ouverte.

4. La présence d’un sens large de la scientia est-elle théoriquement importante?

On a vu que la théorie qui associe formellement la certitude aux connaissances universelles et nécessaires n’exclue pas l’idée que la certitude puisse appartenir aux connaissances concernant des objets singuliers et contingents. Cela permet d’identifier deux éléments qui sont communs aux différentes acceptions du mot scientia, éléments qui sont présents déjà au niveau de l’acception la plus large de ce mot. Ces éléments sont la vérité et la certitude.
Or on pourrait soutenir que ce sens large du mot «scientia» est marginal et qu’il ne possède aucune importance dans l’ensemble de la théorie de la science que les philosophes qui nous concernent développent autour des concepts des Seconds Analytiques. En effet, pourquoi se limitent-ils à définir ce sens large sans lui accorder beaucoup d’attention? Et, surtout, pourquoi un auteur comme Thomas d’Aquin finit par abandonner la classification par degrés proposée par Grosseteste et qui inclut explicitement ce sens large? Doit-on interpréter cet abandon comme le résultat inévitable de la petite importance que tous ces auteurs auraient accordé à cette acception dans leur analyse?
Je voudrais ici défendre la vraisemblance de la thèse selon laquelle ce sens large joue un rôle important dans le développement de la théorie en question. Pour ce faire, je vais emprunter une argumentation de Martin Pickavé à propos d’un texte de Thomas de son commentaire des Seconds Analytiques qui décrit la scientia au sens strict comme une connaissance démonstrative certaine et associe formellement la certitude aux objets universels et nécessaires.55 Selon Pickavé, ce terme est susceptible d’être traduit par le mot anglais «knowledge», ce qui n’est pas communément admis parmi les commentateurs.56 Étant donné que ce mot anglais signifie «connaissance vraie et certaine» et peut être appliqué à des vérités contingentes telles que «Socrate est assis», la thèse de Pickavé est loin d’être évidente. Il propose une argumentation très intéressante pour la justifier. Examinons de près cette argumentation.
Le fil conducteur de l’argumentation de Pickavé consiste à faire remarquer le fait que la scientia se définit, de prime abord, comme une «connaissance parfaite» (perfecte cognoscere aliquid). Or se trouve que, d’après le texte de Thomas, ladite «perfection» de la scientia est étroitement liée à la certitudo, dans le sens où celle-ci serait une condition essentielle pour qualifier de «parfaite» la connaissance de quelque chose. D’après Pickavé, cette certitudo doit être formellement entendue comme une firmitas adhaesionis. Par conséquent, l’un des éléments définissant la scientia comme connaissance parfaite est que l’on connaît une vérité de façon indubitable. La question que l’on doit donc se poser à propos du texte de Thomas est celle de savoir pourquoi une connaissance de ce genre ne semble pouvoir s’effectuer que dans les cas où l’objet connu est «nécessaire». Qu’est-ce qui empêche qu’une connaissance vraie et certaine soit accomplie lorsque son objet est contingent?
Pickavé l’explique ainsi : malgré le fait que Thomas paraît limiter la scientia aux réalités nécessaires et que notre notion de savoir (knowledge) inclut les faits contingents, cela ne signifierait pas que ces deux mots expriment deux choses complètement différentes, mais tout simplement que Thomas considère que la scientia en tant que connaissance parfaite et certaine ne peut s’obtenir pleinement que par la connaissance des réalités nécessaires. Ainsi, il faudrait distinguer deux choses : d’une part, la définition de la scientia comme «connaissance parfaite et certaine» ; d’autre part, la description théorique d’un idéal de connaissance dans lequel ces deux exigences peuvent effectivement s’accomplir de manière pleine. Cet idéal serait le seul candidat susceptible de recevoir le titre de «scientia» d’après ladite définition générale, quoique cette définition générale n’implique pas, d’elle-même, un tel résultat. Or, selon Pickavé, cette façon d’envisager la question n’implique pas que d’autres connaissances ne possédant pas le même degré de certitude et de perfection par rapport à cet idéal doivent être considérées comme des pures croyances ou opinions, car il s’agirait seulement d’un développement théorique qui décrit un état cognitif paradigmatique où la «certitude» est accomplie de façon «parfaite» et, donc, de façon stricte.57 La clé de cette interprétation est la notion de «perfection» car c’est à partir d’elle que l’on peut comprendre un traitement paradigmatique de la notion de «certitude».
Je voudrais maintenant développer quelques implications de l’approche de Pickavé. En premier lieu, il faut dire que ladite argumentation offre une clé de lecture permettant de supposer que probablement les mots «scire» et «scientia» possèdent, avant tout développement théorique, un sens courant qui correspondrait au sens large qui a été développé dans les sections précédentes. Ce sens courant étant très large, il désignerait n’importe quelle connaissance vraie et certaine, peu importe si elle porte sur des choses contingentes ou nécessaires. Autrement dit, ce sens courant, lorsqu’il est encore exempt de tout traitement spéculatif et de toute réflexion inspirée des sources plus anciennes, ferait abstraction des types de connaissances qui existent et qui peuvent exister. Cette acception étant le point de départ de son interprétation du texte aristotélicien, Thomas se demanderait sous quelles conditions réelles la certitude (certitudo) peut-elle s’accomplir pleinement. Or, face à ce questionnement philosophique, l’Aquinate soutiendrait la thèse suivante : la certitude n’est possible de façon parfaite que lorsque les réalités étudiées sont formellement nécessaires. À l’égard des réalités contingentes, en revanche, une telle certitude ne serait pas possible, et cela en raison du fait que les propositions suscitées par ces réalités manifestent des vérités dont la validité se limite à un à moment et un endroit précis (hic et nunc), tandis que la certitude au sens strict impliquerait que la vérité garde sa validité de façon permanente. Bref, le sens nominal étant le point de départ du questionnement, l’affirmation selon laquelle la scientia doit porter sur des objets nécessaires pour être certaine et parfaite ne serait que la conclusion de tout une élaboration théorique complexe dont le résultat n’est guère évident à l’avance.
Si ce schéma est exact, il faudrait émettre une seconde remarque. Étant donné que le sens nominal du mot scientia n’impliquerait pas nécessairement que toute connaissance vraie et certaine ait pour objets des choses nécessaires, il faudrait admettre qu’avant d’arriver à une telle conclusion, Thomas ne pouvait pas rejeter a priori la possibilité que ces deux conditions soient accomplies au niveau de notre connaissance sur des réalités contingentes. Un tel rejet paraît plutôt être le fruit de toute une élaboration intellectuelle riche et complexe, réalisée dans le cadre d’une tradition philosophique d’autant plus riche et complexe. Ainsi, le mot «scientia», avant l’examen théorique ne soit effectué, devrait pouvoir admettre la possibilité d’être référé aux vérités portant sur des réalités contingentes. Certes, selon cette perspective, une telle possibilité n’est parfaitement acceptable qu’au niveau de la signification nominale des mots en question. Néanmoins, le fait que cette possibilité existe est très important car cela donne plus de sens au questionnement. Bref, la question que Thomas serait en train de répondre pourrait être posée en ces termes : quand et sous quelles conditions peut-on appeler, dans le sens le plus strict possible, une connaissance «scire» ou «scientia» étant donné que ces deux mots signifient «connaissance vrai, parfaite et certaine»? Et la réponse à cette question serait que, en propre, les seules connaissances méritant la qualification de «parfaites» et «certaines» sont celles qui portent sur les choses nécessaires. Même plus, le titre le plus strict de scientia ne correspondrait qu’aux vérités nécessaires acquises par syllogisme démonstratif et pas aux connaissances évidentes.
En fin de compte, l’approche proposée par Pickavé ouvre la possibilité de présupposer, aussi bien chez Thomas que chez ses antécesseurs, un point de départ dans lequel les mots «scire» et «scientia» admettraient une signification nominale qui serait exempte des implications théoriques imposées par l’analyse et commentaires des textes d’Aristote.

Conclusion

La conclusion que l’on doit tirer de cette étude est que, pour les commentateurs aristotéliciens du XIIIe siècle des Seconds Analytiques, il existe une notion générale de scientia qui, tout en se limitant à désigner les connaissances vraies et certaines, détermine la structure d’un questionnement philosophique plus complexe visant à définir une sorte d’idéal de connaissance humaine. Pour cette raison, il semble approprié d’utiliser des termes modernes comme « savoir » en français ou «knowledge» en anglais pour le traduire, d’autant plus que le terme moderne de « science » est normalement conçu pour désigner des connaissances d’ordre mathématico-expérimentale. Ainsi, lorsque Christophe Grellard affirme que l’élément commun des auteurs médiévaux au sujet du scire est l’exclusion de fausseté en vertu du principe «nihil scitur nisi verum»,58 j’ajouterais que cette notion devrait inclure également la certitude comme caractéristique essentielle. Nous avons vu que le fait que la notion de certitudo soit étroitement liée à celle de nécessité n’est pas un obstacle car il y a une façon de concevoir la nécessité qui est compatible avec les évènements contingents. Également, nous avons vu que le terme «scientia» peut posséder, dans les textes de tous les auteurs étudiés, un sens large qui inclut nos connaissances à propos de ces évènements contingents. De plus, ce sens large n’est pas seulement compatible avec l’idée de certitude mais, bien au contraire, il semble l’impliquer.

 

Notas

1 Cette opinion paraît être partagée par la plupart des historiens de la philosophie qui se sont occupés de la notion de «scientia» au Moyen Âge. Voir, par exemple, Joël Biard, Science et nature. La théorie buridanienne du savoir (Paris: Vrin, 2012), 7. Sur la question de la science en général, on peut consulter : Amos Corbini, La teoria della scienza nel XIII secolo. I comenti agli Analitici secondi (Firenze: Sismel/Edizione del Galluzzo, 2006), 3-56; Dominique Demange, Jean Duns Scot. La théorie du savoir (Paris: Vrin, 2007); Cristophe Grellard, “Epistemology,” en Encyclopedia of Medieval Philosophy. Volume 1, ed. H. Lagerlund (Dordrecht/Heidelberg/London/New York: Springer, 2011), 294-300; Edgard Laird, “Grosseteste, Ptolemy, and Christian Knowledge,” en Robert Grosseteste and His Intellectual Milieu, eds. J. Flood, J. Ginther, J. Goering (Toronto: Pontifical Institute of Medieval Studies, 2013), 131-152; Celina Lértora Mendoza, “Gnoseología y teoría de la ciencia en Roberto Grosseteste,” en Revista Española de Filosofía Medieval 16 (2009), 11-22; Scott MacDonald, “Theory of Knowledge,” en The Cambridge Companion to Aquinas,eds. N. Kretzmann, E. Stump (Cambridge: Cambridge University Press, 1994), 160-195; Steven Marrone, William of Auvergne and Robert Grosseteste. New Ideas of Truth int the Early Thirteenth Century (New Jersey: Princeton University Press, 1983), 223-232; James McEvoy, The Philosophy of Robert Grosseteste (Oxford: Oxford University Press, 1982), 320-345: James McEvoy, Robert Grosseteste (New York: University of Notre Dame Press, 2000), 82; Robert Palma, “Grosseteste’s Ordering of Scientia,” New Scholasticism 50, 4 (1976), 447-463; Robert Pasnau, “Science and certainty”, en The Cambridge History of Medieval. Philosophy. Volume I, ed. R. Pasnau (Cambridge/New York: Cambridge University Press, 2010), 357-368; Martin Pickavé, “Human Knowledge,” en The Oxford Handbook of Aquinas, eds. B. Davies, E. Stump, New York: 2012); Pietro Rossi, “Robert Grosseteste and the Object of Scientific Knowledge,” in Robert Grosseteste: New Perspectives on his Thought and Scholarship, ed. J. McEvoy (Louvain: Brepols, 1995), 53-75; Eileen Serene, “Demonstrarive Science,” en The Cambridge History of Later Medieval Philosophy. 1100-1600, eds. N. Kretzmann, A. Kenny, J. Pinborg (Cambridge: 1984: Cambridge University Press, 1984), 496-518; Eleonore Stump, Aquinas (London/New York: Routledge, 2003), 217-243.

2 Cf. Eileen Serene, “Demonstrarive Science,” 498-501, qui met l’accent sur l’influence d’Augustin sur les auteurs du XIIIe siècle qui s’occupent de la science démonstrative.

3 Giovanni Catapano, Il concetto di filosofia nei primi scritti di Agostino. Analisi dei passi metafilosofici dal Contra Academicos al De vera religione (Roma: Institutum Patristicum Augustinianum, 2001), 267-75.

4 Pietro Rossi, introduction à l’édition critique deCommentarius in Posteriorum Analyticorum libros, ed. P. Rossi, par Robert Grosseteste, (Firenze: Edizione del Galluzzo, 1981).

5 Aristote, Seconds Analytiques, 71b9-20.

6 Cf. Pietro Rossi, “Robert Grosseteste and the Object of Scientific Knowledge,” 57; James McEvoy, Robert Grosseteste, 82; Amos Corbini, La teoria della scienza nel XIII secolo, 6 (note. 1).

7 Themistius, Themistius’ Paraphrasis of the Posterior Analytics in Gerard of Cremona’s Translation, ed. R. O’Donnell, in Mediaeval Studies 20 (1958), p. 247: «Dico ergo quod scientia dicitur secundum modos diversos. Quod est quia dicitur per viam transumptionis secundum intentionem communem et dicitur vere secundum intentionem propriam. Secundum intentionem quidem communem, quando nominamus inventionis omnis, quod invenimus, qualitercumque inveniamus illud, scientiam sive si illud per illud, quod concomitatur rem per viam accidentis, aut aliter. Et secundum intentionem propriam veram scientia non est nisi quando verificatur apud nos quod nos jam invenimus causam propter quam est esse illius rei quam scimus et scimus quia est causa ejus, et credimus necessario quod non est possibile ut sit aliter. Et ex eo quod significat quod scientia vera non est nisi ista et quod omnis qui intendit ut sciat rem, tunc si non scit eam, videt quod oportet ut sit ad sciendum eam secundum hanc dispositionem. Et si jam scivit eam, tunc est de esse ejus secundum hanc dispositionem».

8 Robert Grosseteste, Commentarius in Posteriorum Analyticorum libros (désormais, Commentarius), ed. P. Rossi, (Firenze: Edizione del Galluzzo, 1981), I, c. 2, p. 99, ll. 9-11: «Sed non lateat nos quod scire dicitur communiter et proprie et magis et maxime proprie. Est enim scientia communiter veritatis comprehensio, et sic sciuntur contingentia errática (…)».

9 Robert Grosseteste, Commentarius, pp. 99-100, ll. 11-28: «(…) et dicitur scientia proprie comprehensio veritatis eorum que semper vel frequentius uno modo se habent, et sic sciuntur naturalia, scilicet contingentia nata, quorum est demonstratio communiter dicta. Dicitur etiam scientia magis proprie comprehensio veritatis eorum que semper uno modo se habent, et sic sciuntur in mathematicis tam principia quam conclusiones. Cum autem veritas sit illud quod est et comprehensio veritatis sit comprehensio eius quod est, esse autem eius quod dependet ab alio non cognoscitur nisi per esse eius a quo dependet, manifestum est quod maxime proprie dicitur scire comprehensio eius quod inmutabiliter est per comprehensionem eius a quo illud habet esse inmutabile, et hoc est per comprehensionem cause inmutabilis in essendo et in causando. Hoc est igitur simpliciter et maxime proprie scire: cognoscere causam rei inmutabilem in se et inmutabilem in causando, et respectu huius scire vocat Aristoteles alios modos sciendi sophisticos et secundum accidens. Et istud scire est finis specialissimus huius scientie et acquiritur per demonstrationem dictam propriissime. Quod autem hoc modo dicatur scire explanat per usum acceptionis vocabuli.»

10 Cf. Robert Palma, “Grosseteste’s Ordering of Scientia,” 447-463; Rossi, “Robert Grosseteste and the Object of Scientific Knowledge,” 53-75; Steven Marrone, William of Auvergne and Robert Grosseteste, 223-232; Edgard Laird, “Grosseteste, Ptolemy, and Christian Knowledge,” 131-152; McEvoy, Robert Grosseteste, 82; Corbini,La teoria della scienza nel XIII secolo, 4-12; Demange, Jean Duns Scot. La théorie du savoir, 65-66.

11 Laird, “Grosseteste, Ptolemy, and Christian Knowledge,” 141-143.

12 Comme l’a bien montré Amos Corbini, l’expression «contingentia erratica» se réfère aux choses contingentes et a pour source une autre expression, «contingens infinitum», employée par Boèce dans sa traduction des Seconds Analytiques.Cf. Corbini, La teoria della scienza nel XIII secolo, 4-8. Concernant cette discussion, on verra Alistair Crombie, Robert Grosseteste and the Origins of Experimental Science. 1100-1700 (Oxford: Clarendon Press, 1953), 58; Marrone, William of Auvergne and Robert Grosseteste, 224; Rossi, “Robert Grosseteste and the Object of Scientific Knowledge,” 56-60.

13 McEvoy, Robert Grosseteste, 87.

14 Cf. Robert Grosseteste, De veritate, ed. L. Baur, en Die Philosophischen Werke des Robert Grosseteste, Bischofs von Lincoln (Munster: Aschendorff, 1912), p. 134, ll. 17-2: «Consuevimus autem usitatus dicere veritatis orationis enuntiativae. Et haec veritas, sicut dicit philosophus, non est aliud, quam ita esse in re signata, sicut dicit sermo. Et hoc est, quod aliqui dicunt veritatem esse ‘adaequationem sermonis et rei’ et ‘adaequationem rei ad intellectum’.»

15 Sur la notion de vérité selon Grosseteste, cf. McEvoy, The Philosophy of Robert Grosseteste, 320-326; Marrone, William of Auvergne and Robert Grosseteste, 144 et ss; Steven Marrone, The light of thy Countenance. Science and Knowledge of God in the Thirteenth Century. Volume one (Leiden/Boston/Köln: Brill, 2001), 38-59 (surtout 50); Timothy Noone, “Truth, Creation, and Intelligibility in Anselm, Grosseteste, and Bonaventure,” en Truth. Studies of a Robust Presence, ed. K. Pritzl (Washington: Catholic University of America Press, 2010), 102-126 (surtout 114-120).

16 Robert Kilwardby, Notule libri posteriorum (désormais, Notule), ed. D. Cannone (Thèse doctorale, Rome 2004), I, l. 5, p. 31, ll. 93-95.

17 Albert le Grand, Super libros Posteriorum Analyticorum, ed. Borgnet (Paris: Luis Vivès, 1890), t. II, c. 1, p. 23A.

18 Robert Kilwardby, Notule, I, l. 5, p. 31, ll. 93-95.

19 Deborah Black, “Knowledge and Certitude in al-Fârâbî’s,” Arabic Sciences and Philosophy 16 (2006), 11-12; Pasnau, “Science and certainty,” 365.

20 Pasnau, “Science and certainty,” 365.

21 Robert Grosseteste, Commentarius, I, c. 19, p. 281, ll. 84-88: «Dicit ergo Aristoteles quod scibile differt ab opinabili et scientia ab opinone, quia scientia est habitus acquisitus super res universales per necessaria que non possunt aliter se habere; unde manifestum est quod scientia non est circa res transmutabiles que cadunt sub signatione sensibili, quia si circa eas esset scientia, ipse essent inpermutabiles.»

22 Pour cette idée selon les auteurs du XIIIe, cf. Stump, Aquinas, 229-231; Joël Biard, “Certitudo,” en Mots médiévaux offerts à Ruedi Imbach, eds. I. Atucha, D. Calma, C. König-Pralong, I. Zavattero (Porto: Peeters, 2011); Cristophe Grellard, “Certainty,” en Encyclopedia of Medieval Philosophy. Volume 1 ed. H. Lagerlund (Dordrecht/Heidelberg/London/New York: Springer, 2011), 206; Pickavé, “Human Knowledge,” 326 (note 43); Bruno Tremblay, “Albert on Metaphysics as First and Most Certain Philosophy,” en A Companion to Albert the Great. Theology, Philosophy, and the Sciences, ed. I. Resnick (Leiden/Boston: Brill 2013), 575-595.

23 Cf. Stump, Aquinas, 229-231. Selon Stump, pour l’Aquinate la certitudo devrait être placée moins du côté du sujet que de l’objet.

24 Pour un commentaire de ce texte, cf. MacDonald, “Theory of Knowledge,” 160-195; Stump, Aquinas, 229-231; Pickavé, “Human Knowledge,” 311-325.

25 Thomas d’Aquin, Expositio libri Posteriorum (désormais, In An Post), ed. R.-A. Gauthier, en Opera omnia iussu Leonis XIII P. M. edita (désormais, Leon.), t. 1*/ (Roma/Paris: Vrin, 1989) I, lect. 4, p. 19, ll. 79-100: «Circa quod considerandum est quod scire aliquid est perfecte cognoscere ipsum, hoc autem est perfecte apprehendere ueritatem ipsius: eadem enim sunt principia esse rei et ueritatis ipsius, ut patet ex II metaphysicae; oportet igitur scientem, si est perfecte cognoscens, quod cognoscat causam rei scite; si autem cognoscere causam tantum, nondum cognosceret effectum in actu, quod est scire simpliciter, set uirtute tantum, quod est scire secundum quid et quasi per accidens, et ideo oportet scientem simpliciter cognoscere etiam applicationem cause ad effectum quia vero sciencia etiam est certa cognitio rei, quod autem contingit aliter se habere non potest aliquis per certitudinem cognoscere, ideo ulterius oportet quod id quod scitur non possit aliter se habere.» (Je souligne).

26 Voir, par exemple, Thomas d’Aquin, In I An Post, lect. 7, p. 31, ll. 64-69: «(sciendum tamen quod hic Aristotelis large accipit scienciam pro qualibet certitudinali cognitione, et non secundum quod sciencia diuiditur contra intellectum, prout dicitur quod sciencia est conclusionum et intellectus principiorum)».

27 Cf. Biard, “Certitudo,” 129-138; Tremblay, “Albert on Metaphysics as First and Most Certain Philosophy,” 575-595.

28 Voir, par exemple, Thomas d’Aquin, De ente et essentia, ed. H.-F. Dondaine, en Leon. XLIII (Roma: Editori di San Tommaso, 1976) cap. 1, 369, ll. 34-35, où l’auteur dit à propos de l’essence: «Dicitur etiam forma, secundum quod per formam significatur certitudo uniuscuiusque rei, ut dicit Avicenna in II Metaphysicae suae».

29 Avicenna Latinus, Liber de philosophia prima sive scientia divina, ed. Van Riet (Leiden: Peeters, 1977), I, 5, 34-35, ll.55-61: «(…) unaquaeque enim res habet certitudinem qua est id quod est, sicut triangulus habet certitudinem qua est triangulus, et albedo habet certitudinem qua est albedo. Et hoc est quod fortasse appellamus esse proprium, nec intendimus per illud nisi intentionem esse affirmativi, quia verbum ens significat etiam multas intentiones, ex quibus est certitudo qua est unaquaque res, et est sicut esse proprium rei (…)». Cf. Jozef Vande Wiele, “Le problème de la vérité ontologique dans la philosophie de saint Thomas”, Revue philosophique de Louvain 52 (1954), 532-537 (il faut avertir que cet auteur parle tout le temps de «vérité» pour se référer aux passages où le texte latin d’Avicenne parle de certitudo); Jan Aertsen, Nature and Creature. Thomas Aquinas’s Way of Thought (Leiden/New York/Kobenhavn/Köln: Brill, 1988), 152-153; Jan Aertsen, Medieval Philosophy as Transcendental Thought. From Philip the Chancellor (C.A. 1225) to Francisco Suárez (Leiden/Boston: Brill, 2012), 87.

30 Sur cette caractéristique de la certitude(yaqîn) chez les arabes, on verra, par exemple, Farid Jabre, La notion de certitude chez Ghazali dans ses origines psychologiques et historiques (Paris: Vrin, 1958), 123-179; Joep Lameer, Al-Fârâbî and Aristotelian Syllogistics. Greek Theory and Islamic Practice (Leiden/New York/Köln: Brill, 1994), 33, 275; Black, “Knowledge and Certitude in al-Fârâbî’s,” 11-45.

31 Robert Grosseteste, Commentarius, I, c. 11, p. 178, ll. 112-119: «Cum itaque tam in terminis doctrinalibus quam in terminis aliarum facultatum fiant sillogismi deceptorii, inducit Aristoteles litteram que sequitur usque : Sed qua differt et propter quid scire, ut in ea ostendat differentiam deceptionis in doctrinalibus et in aliis, scilicet quod in doctrinalibus pauca est deceptio respectu deceptionis accidentis in aliis facultatibus, ut sic ostendat excelentiam scientiarum doctrinalium respectu aliarum scientiarum, utpote in quibus est certitudo maxima et deceptio minima».

32 Thomas d’Aquin, Scriptum super libros Sententiarum magistri Petri Lombardi episcopi Parisiensis (désormais, Sent), ed. M. F. Moos (Paris: P. Lethielleux, 1956), III, d. 26, q. 2, a. 4, c.: «(…) certitudo proprie dicitur firmitas adhaesionis virtutis cognitivae in suum cognoscibile».

33 Thomas d’Aquin, Sent, III, d. 26, q. 2, a. 4, arg. 1: «Videtur quod spes non habeat certitudinem in suo actu. Certitudo enim ad cognitionem pertinet, quia dubitatione opponitur. Sed spes non pertinet ad cognitionem, sed ad affectionem».

34 Thomas d’Aquin, Sent, III, d. 26, q. 2, a. 4, ad. 1: «Ad primum ergo dicendum, quod certitudo primo et principaliter est in cognitione: sed per similitudinem et participative est in omnibus operibus naturae et virtutis».

35 Thomas d’Aquin, Summa Theologiae (désormais, Sth), I-II, q. 67, a. 3, c.

36 Thomas d’Aquin, Sth, I-II, q. 67, a. 3, c: «Nam de ratione opinionis est quod accipiatur unum cum formidine alterius opposite, unde non habet firmam inhaesionem».

37 Thomas d’Aquin, Sth, I-II, q. 67, a. 3, c: «De ratione vero scientiae est quod habeat firmam inhaesionem cum visione intellectiva, habet enim certitudinem procedentem ex intellectu principium».

38 Thomas d’Aquin, Sth, I-II, q. 67, a. 3, c: «Fides autem medio modo se habet, excedit enim opinionem, in hoc quod habet firmam inhaesionem; déficit vero a scientiae, in hoc quod non habet visionem».

39 Il y a même certains auteurs qui se concentrent dans cet aspect subjectif de la notion. Par exemple, Battista Mondin, Dizionario enciclopedico del pensiero di san Tomasso de Aquino (Bologna: Edizione Studio Domenicano, 1991), 111-112.

40 Aristote, Perihermeneias, 19a20-30.

41 Par exemple, Robert Grosseteste, De veritate propositionibus, ed. L. Baur, en Die Philosophischen Werke des Robert Grosseteste, Bischofs von Lincoln (Munster: Aschendorff, 1912), 143-145; Robert Grosseteste, De libero arbitrio, II, c. 6, ed. L. Baur, idem, 168-169; Robert Grosseteste, De scientia dei, ed. L. Baur, idem, 145-147; Albert le Grand, Super duos libros Aristotelis Perihermeneias, ed. Borgnet (Paris: Luis Vivès, 1890), I, t. 5. C. 6, p. 421b; Thomas d’Aquin, Expositio libri Peryermeneias (désormais In periherm), ed. R.-A. Gauthier,en Leon. 1*/1 (Roma/Paris: Vrin, 1989), lect. 13, 66, ll. 29-43; Thomas d’Aquin, Sth, I, q. 19, a. 3, cf. Pour l’influence de ces thèmes aristotéliciens au Moyen Âge, cf. Grzegorz Stolarski, La possibilité de l’être: un essai sur la détermination du fondement ontologique de la possibilité dans la pensée de Thomas d’Aquin (Fribourg: Academic Press Fribourg, 2001), 15-75 (surtout 52-70).

42 Pour se renseigner avec plus de détail des idées que je développe par la suite, cf. Jack MacIntosh, “Aquinas on Necessity,” American Catholic Philosophical Quartely 72 (1998), 371-403; Stolarski, La possibilité de l’être, 86-92; Michal Paluch, “Notes sur les distinctions entre les nécessités chez Thomas d’Aquin,” Archives d’Histoire et Doctrinale et Littéraire du Moyen Âge 70 (2003), 219-231; Santiago Argüello, Posibilidad y principio de plenitud en Tomás de Aquino (Pamplona: Eunsa, 2005), 67-83; Pasquale Porro, “Lex necessitatis vel contingentiae. Necessità, contingenza e provvidenza nell’universo di Tommaso d’Aquino,” Revue des Sciences philosophiques et théologiques 96 (2012), 404-417; Pietro Rossi, “Necessità e contingenza nella filosofia naturale di Tommaso d’Aquino,” Rivista di storia della filosofia 68 (2013), 95-111.

43 Voir, par exemple, Thomas d’Aquin, In I periherm, lect. 15, pp. 80-81, ll. 23-46. Je ne cite ici que quelques fragments significatifs: «Et hec necessitas fundatur super hoc principium : ‘Impossibile est simul esse et non esse’; si enim aliquid est, inpossibile est illud simul non esse, ergo necesse est tunc illud esse (…)» (ll. 23-26); «Et hec necessitas non absolute, set ex suppositione ; unde non potest simpliciter <et> absolute dici quod omne quod est, necesse est esse, et omne quod non est, necesse est non esse, quia non idem significat quod omne ens quando sit sit ex necessitate: nam primum significat necessitatem ex suppositione, secundum autem necessitatem absolutam» (ll. 35-43).

44 On a proposé cela, par exemple, à propos de Thomas. Cf. Pickavé, “Human Knowledge,” 317-319. Ajoutons que l’antérieure hypothèse s’adapte assez bien à la doctrine selon laquelle la certitudo admet des degrés. Sur cette doctrine, cf. Stump, Aquinas, 226-231 (elle ne reconnaît pourtant pas que la certitudo soit, pour Thomas, applicable aux objets contingents); Tremblay, “Albert on Metaphysics as First and Most Certain Philosophy,” 575-595. Nous retrouvons également cette idée de certitude au sens strict ou absolue chez Al-Fârâbî, qui l’attribue principalement à ce qui découle de la démonstration. Cf. Black, “Knowledge and Certitude in al-Fârâbî’s,” 11-45.

45 Thomas d’Aquin, Sent, III, d. 23, q. 2, a. 2: «Potest enim intellectus noster considerari uno modo secundum se; et sic determinatur ex praesentia intelligibilis, sicut materia determinatur ex praesentia formae: et hoc quidem contingit in his quae statim lumine intellectus agentis intelligibilia fiunt, sicut sunt prima principia, quorum est intellectus: et similiter determinatur judicium sensitivae partis ex hoc quod sensibile subjacet sensibus, quorum principalior et certior est visus; et ideo praedicta cognitio intellectus vocatur visio».

46 Thomas d’Aquin,Sententia libri Ethicorum, ed. R.-A. Gauthier, in Leon. XLVII (Roma: 1969), lect. 3, p. 340, ll. 47-52: «Dicit ergo primo quod manifestum potest ese quid sit scientia ex his quae dicentur, si oportet per certitudinem scientiam cognoscere et non sequi similitudines, secundum quas scilicet quandoque similitudinarie dicimus scire etiam sensibilia de quibus certi sumus».

47 Robert Grosseteste, Hexaëmeron, eds. C. Dales, S. Gieben, (New York: Oxford University Press, 1983), p. I, cap. II, 1, p. 50, ll. 28-30: «Sive igitur huius sapiencie subiectum sit istud unum quod diximus sive Christus integer, istius sapiencie subiectum neque per se notum est, neque per scienciam acceptum, sed sola fide assumptum e creditum».

48 Robert Grosseteste, Hexaëmeron, I, c. II, 1, p. 51, ll. 9-11: «Quapropter credibilia magis sunt huius sapiencie propria quam sint scibilia. Unde magis debet a credibilibus quam a scibilibus sine fide previa inchoare».

49 Robert Grosseteste, Hexaëmeron, I, c. II, 2, p. 51, ll. 12-14: «(…) quedam enim sunt credibilia propter ipsarum rerum verisimilitudinem, quedam vero propter dicentis auctoritatem».

50 L’on peut retrouver un usage semblable du terme scibilis dans quelques lettres d’Abélard. Il emploie des termes tels que scibilitas et scibilis pour désigner les choses aussi bien en tant que «capables» d’être connues que pour les désigner en tant qu’elles peuvent susciter un idéal de cognoscibilité. Cf. Constant J. Mews, “Thèmes philosophiques dans les Epistolae duarum ammantium : premières lettres d’Héloïse et d’Abélard ?,” in Langage, sciences, philosophie au XIIe siècle, ed. J. Biard, (Paris: Vrin, 1999), 36-37.

51 Henri de Gand, Sur la possibilité de la connaissance humaine (Paris: Vrin, 2013, trad. D. Demange), 73. Cf. Henri de Gand, Summa (quaestiones ordinariaes), ed. G. A. Wilson, in Opera Omnia XXI (Louvain: Leuven University Press, 1993) a. 1, q. 1, c, p. 10: «Dicendum quod scire large accepto ad omnem notitiam certam qua cognoscitur res sicut est absque omni fallacia et deceptione, et sic intellecta et proposita quaestione contra negantes scientiam et omnem veritatis perceptionem, manifestum est et clarum quia contingit hominem scire aliquid, et hoc secundum omnem modum sciendi et cognoscendi». (Je souligne). Cf. Henri de Gand, Summa (quaestiones ordinariaes), a. 1, q. 2, c, p. 35: «Si ergo large accipiamus scire ad omnem certam notitiam rei, ut comprehendat etiam cognitionem sensitivam, sicut dictum est in quaestione praecedenti, quantum est ex parte sensus et cognitionis sensitivae, patet quod simpliciter et absolute dicendum est quod contingit aliquid scire et cognoscere certa cognitione sensitiva, ut ostensum est in quaestione praecedenti (…)».

52 Cf. Martin Pickavé, “Henry of Ghent and John Duns Scotus on skepticism,” en Rethinking the History of Skepticism. The Missing Medieval Background, D. H. Largerlund (Leiden/Boston: Brill, 2010), 67-68, 70; Marrone, The light of thy Countenance, 274, 281.

53 Cf. Pickavé, “Henry of Ghent and John Duns Scotus on skepticism,” 61-96.

54 Henri de Gand, Summa (quaestiones ordinariaes), a. 1, q. 2, c, p. 36: «Quantum autem est ex parte intellectus et cognitionis intellectivae, cuius cognoscere proprie dicitur scire, distinguendum est».

55 Thomas d’Aquin, In I An Post, lect. 4, p. 19, ll. 79-100. Voir note 25.

56 Par exemple, Stump, Aquinas, 226-231, qui argumente vigoureusement contre cette traduction.

57 Pickavé, “Human Knowledge,” 317-320.

58 Grellard, “Epistemology,” 294.